Le mariage traditionnel chez les sérères du Sine (Région de Fatick) fut une affaire de familleet suivait notamment la lignée maternelle. C’est à dire que le garçon allait souvent prendre femme chez son oncle ou chez sa tante maternelle ! Le mariage est composé ainsi de deux étapes : la négociation (l’approche) et le mariage proprement dit.
La période de négociations
En général les négociations se passent d’abord entre parents et notamment entre hommes, avant que le prétendant ne puisse partir avec ses copains donner une dot à la fille ; le reste de la dot devant être réglée par le père et l’oncle. Ce que la fille doit recevoir était en général fixé par la mère en concertation avec sa fille. Et cela devait servir à l’achat de tout ce que la mariée doit emporter chez son futur époux, qu’il s’agisse de matériel de cuisine ou de nouveaux vêtements. Cette dot reçue est souvent partagée avec les tantes maternelles qui, le moment venu, participeront financièrement ou matériellement à l’achat de ses bagages (ustensiles de cuisine, parures, vêtement,…). Cette demande en mariage acceptée était avant tout matérialisée par l’achat de la cola (*) distribuée aux proches de la famille, aux notables, pères et mères de familles du village, qui formulent en retour des prières pour l’accomplissement de ce mariage.
Dans le processus de négociation, la voix de l’oncle maternel de la fille s’avère prépondérante pour l’acceptation de la dot et du mariage ; c’est en fait lui qui marie sa nièce plus que ne le fait le père. Il en est de même pour l’oncle maternel du garçon, qui joue le même rôle, une partie de la dot devant être versée à la belle famille lui incombant.
Avant le mariage, le futur époux travaillait généralement pour la famille de la future épouse, qui en tissant un grenier à mil, qui en cultivant ou en récoltant pour elle. Ce travail se fait souvent accompagné de son bras droit appelé « ndiik » ou des garçons de sa génération. Ce travail était aussi important, parce qu’il pouvait montrer la bravoure et le courage du beau fils au travail et donc sa capacité à pouvoir entretenir correctement sa future épouse et à être respecté par son entourage.
En cas de non travail, il arrivait que la belle famille évalue financièrement le travail que tu devais faire pour elle et que le bras droit se chargeait de négocier notamment le jour du mariage.
Le mariage proprement dit:
La veille de ces jours constituait la journée de fête de départ chez la jeune fille et d’accueil chez le garçon. Ainsi la mariée devait être cherchée par les amis de l’époux avec en tête le « ndiik » mais également par des adultes à la tête desquels il y avait souvent l’oncle maternel.
Ces derniers étaient chargés de la partie discussions officielles chez la mariée, tandis que les amis devaient surtout négocier avec les jeunes filles et les jeunes garçons pour toute exigence de ces derniers. Il y avait entre autres ce qu’on appelait la bouteille des frères de la mariée, c’est-à-dire une sorte de contrepartie financière qu’on devait verser avant qu’ils n’acceptent de laisser partir leur soeur (la future épouse).
Dès le matin, tout le village est réuni dans la concession de la future mariée. Les femmes s’affairaient à la cuisine. Tandis que les autres commencent les discussions sur les différentes obligations à remplir avant de prendre la mariée (les repas de midi et du soir, la contrepartie à donner aux frères de la mariée,..)
A la tombée de la nuit, les proches de la mariée lui font prendre un bain rituel et la parent de jolis pagnes. Quelques colliers de famille lui seront remis pour quelques temps voire pour toujours.
Une jeune fille appartenant à la concession, ayant toujours vécue à ses côtés (sa sœur en quelque sorte) est, elle aussi, apprêtée pour cette occasion. Cette dernière a le rôle d’accompagner la promise et de la soutenir dans ces moments où beaucoup de changements interviennent dans sa vie personnelle. Elle permet de faire le lien avec le village et facilite la rupture
La future mariée, est ensuite installée dans une case où elle reçoit d’abord les derniers conseils de la maman et des tantes, avant qu’elle ne vienne dans la cour, assise sur une natte, où lui sont prodiguées les dernières recommandations avant le départ. Ce rituel est très sérieux, parce qu’il permet à la fille de mesurer ce que doit être le mariage mais également les défis qu’elle doit relever à ce niveau pour être une mère modèle et surtout pour ne pas décevoir sa famille (le divorce étant une catastrophe en ce moment).
Elle abandonne donc les règles de sa famille pour adopter de nouvelles règles de vie, ce qui n’est pas du tout évident. L’ambiance est donc de fête durant cette journée et une partie de la soirée rythmées par les tam-tam et les danses.
Beaucoup de négociations se font avant que les copines de la future mariée, ses frères et sœurs daignent la laisser partir. Cela, loin d’être futile, est une façon de prouver aux demandeurs, qu’ils tiennent beaucoup à leur sœur et fille et qu’ils ne peuvent pas la laisser partir aussi facilement.
Une cérémonie de départ est organisée après toutes ces discussions et conciliabules accompagnés toujours d’un rituel. Dans ce rituel, le coton, le mil voire le haricot sont souvent présents, parce qu’ils symbolisent la fécondité que l’on souhaite à la fille. De même, un pagne traditionnel est donné à la fille avec lequel on la couvre et elle ne doit plus se découvrir qu’une fois dans la chambre rituelle de son époux. Une ligne au sol est aussi tracée sur toute la longueur du portail de la maison sur laquelle on verse de l’eau. Cela symbolise la frontière qu’elle doit franchir pour aller vers d’autres lieux et en versant l’eau, on lui enlève les mauvais sorts. Une croix est souvent tracée à cet endroit voire une écorce enflammée (dans certains endroits) pour montrer que la mariée quitte maintenant sa famille et ses règles et qu’elle part en adopter d’autres.
Le même rituel (ligne et eau au portail, coton, mil sur la tête, croix) est accompli à l’arrivée de la mariée pour signifier à la mariée qu’elle est bienvenue dans sa nouvelle maison et qu’en franchissant cette ligne, elle accepte de nouvelles règles de vie. La nouvelle mariée arrive dans sa nouvelle maison, pendant que son mari est enfermé ou s’enferme dans une case et elle ne doit voir son épouse qu’une fois installée. D’ailleurs la nouvelle mariée ne s’installera chez son mari (dans sa chambre) qu’après une période rituelle auprès des femmes mariées qui dure en général trois jours. Ce rituel symbolise en quelque sorte l’entrée dans la cour des femmes mariées, c’est à- dire de nouveaux comportements et de nouvelles façons de voir et d’appréhender les choses marquant ainsi une rupture avec la vie de jeune fille. Ce rituel est aussi un quitus pour accéder à tout rituel auquel sont associées les femmes, mais en plus elle te permet de rester et de discuter avec des femmes mariées.
L’arrivée de la mariée fait l’objet d’une fête et l’ambiance festive dure en général tout le temps du rituel qui est clôturé avec la cérémonie de remise officielle de l’épouse à son mari. Une journée de nettoyage du linge de la famille et des proches est ainsi organisée et en fin d’après midi, la mariée peut après une petite cérémonie rejoindre officiellement son époux dans sa chambre : la vie de couple peut dès lors commencer.
Propos recueilli par Gilbert Sène qui précise que les coutumes sérères peuvent varier souvent d’un endroit à un autre.
Extrait de LA PIAILLÉE N°141
Avril 2006
De Dakar à St Laurent de CHAMOUSSET