En voici une réponse : le Coran autorise tout homme musulman à épouser jusqu’à quatre femmes. Et comme notre pays est à plus de 90% musulman, la pratique paraît ainsi tout à fait normale. Pourtant, le Coran recommande : « N’en épousez qu’une seule ». Cette phrase se trouve dans un verset de la sourate « An-Nisa » du Coran : il est permis d’épouser deux, trois ou quatre parmi les femmes qui vous plaisent ; mais si vous craignez de n’être pas justes envers celles-ci, alors une seule. (Le Coran, 4:3). Toujours dans la sourate « An-Nisa », au verset 129, on peut lire: « Vous ne pourrez jamais être équitables entre vos femmes » (Le Coran, 4:129). Nous remarquons que ce verset (Le Coran, 4:3) est une phrase associée au conditionnel. Toutes les notions de ce verset concourent à une finalité bien précise : celle d’être juste. Le terme justice est mentionné à plusieurs reprises dans le Coran. Il est même l’un des noms sacrés de Dieu en Islam qui ordonne à l’être humain d’être juste envers autrui, surtout envers les faibles. Cela doit nous interpeller, car on ne pas avoir le même comportement ni éprouver les mêmes sentiments pour deux, trois ou quatre personnes à la fois : ce serait se donner le droit de trahir le texte et le verset coranique.
La polygamie n’est donc pas une règle, mais une exception. Beaucoup de gens croient, à tort, qu’il est obligatoire pour un musulman d’épouser plus d’une femme. La polygamie fait partie de ce qui est permis. Nul ne peut affirmer qu’un homme qui a deux, trois ou quatre femmes est meilleur musulman que celui qui n’en a qu’une. En Afrique, notamment au Mali, la polygamie était une coutume préislamique répandue avant même que le Coran ne prenne position. La motivation des hommes pour ce mode de vie est variable.
Nos ancêtres prenaient plus quatre, voire une dizaine de femmes : pour eux, c’était une façon de prouver leur virilité et leur puissance. Après viennent les agriculteurs pour qui le désir d’avoir plusieurs enfants est motivé par le travail d’une main-d’œuvre abondante aux champs. Vu l’âge avancé de leur première épouse, certains d’entre eux éprouvent le besoin de prendre une nouvelle femme plus jeune. D’autres en aiment plusieurs, tout simplement. Il y a des hommes qui trouvent qu’épouser une seule femme n’est pas réaliste et qu’il est préférable pour une femme d’épouser un homme marié plutôt que de devenir une femme célibataire. Cependant, malgré toutes ces épouses permises, des hommes polygames ne cessent de sillonner la ville pour de nouvelles « conquêtes ».
La polygamie, c’est tout simplement un mode de vie dans lequel les hommes trouvent leurs comptes. C’est une organisation assez complexe où le temps de l’homme est réparti entre ses différentes femmes et ses enfants. Et la compétition entre les femmes fait fureur ; d’où une tension quasi permanente qui règne dans une famille polygame, avec des coups bas venant de l’une ou l’autre épouse.
Parfois, l’atmosphère est si électrique et invivable que la famille devient un lieu de combat perpétuel dans lequel les enfants seront impliqués. Par conséquent, la polygamie fait beaucoup de mal aux femmes. Par le fait de l’accepter par doctrine, elles intériorisent leurs sentiments de jalousie, car jalousie il y en a. A la longue, cette jalousie se transforme en maladie (tension, problème de cœur) et entraîne même la mort chez certaines femmes. Ensuite, après la mort du mari polygame, un autre problème se pose : celui de l’héritage. Concernant les femmes, les points de vue diffèrent. Pour la première épouse, c’est une trahison de son mari, et la jeune qui arrive croit à l’amour. Mais c’est par amour qu’elles acceptent la polygamie pour l’élu de leur cœur. Or quand l’amour semble dépendre de quoi ou de qui que ce soit d’extérieur à vous-même, vous tombez dans ses illusions. Les plus âgées le font par crainte de rester sans homme dans leur vie. De toutes les manières, il est évident que les unes et les autres acceptent la situation malgré elles-mêmes, car s’il faut vraiment choisir, sinon aucune femme ne veut être polygame. De nos jours, les conditions économiques ne favorisent guère ce genre de régime matrimonial ; et cet aspect fait que la polygamie régresse.
L’autre inconvénient de la polygamie, c’est qu’avec plusieurs partenaires, une femme peut contribuer à la propagation des maladies sexuellement transmissibles. Les femmes craignent le divorce ; c’est pour cette raison que la plupart d’entre elles ne cherchent pas un régime monogamique qui se solde très souvent par un échec. Néanmoins, en cas de non réussite de la polygamie, la monogamie offre une alternative : celle d’avoir la chance de recommencer une nouvelle vie, une nouvelle famille pleine de joies et d’épanouissement assuré.
NNC
Polygamie et monogamie
Fatalité ou obligation ?
La question de régime monogamique ou polygamique devient de plus en plus une préoccupation dans notre société. Aussi bien dans la monogamie que dans la polygamie, les femmes sont confrontées à des pressions d’ordre moral et psychologique d’abord de la part du mari, ensuite des parents de ce dernier.
Il faut donc que chacun prenne ses responsabilités, surtout les hommes, pour que la femme puisse s’épanouir dans son foyer afin de bien s’occuper sans contrainte de l’éducation de ses enfants. La question intéresse bien des citoyens qui donnent ici leurs avis.
Salimatou Traoré, présidente d’une association :
« La question de régime est du au destin auquel personne n’échappe. Je pense que personne ne choisit d’être polygame ou monogame. Par ailleurs, les femmes qui sont mariées sous le régime de la monogamie ne se comportent pas souvent très bien, alors qu’elles doivent bien se comporter pour éviter que leur mari leur impose une autre femme ou le divorce. De l’autre côté aussi, les femmes qui sont mariées sous le régime de la polygamie doivent à leur tour bien s’occuper de leurs maris pour qu’ils ne prennent pas d’autres femmes. Personnellement, je ne suis pas contre la polygamie ; seulement, tout dépend du comportement de l’homme envers ses femmes ».
Diéliman Bakary Soumano, griot et animateur radio :
« Je suis pour la polygamie. Dans le temps, nos arrières grands parents pouvaient marier jusqu’à 30 à 60 femmes. Et cela n’a jamais été un goût effréné pour la femme car, il y avait des objectifs visés. Certains se mariaient à plusieurs femmes pour créer une sorte de rivalité positive entre les enfants afin de les inciter à travailler dur pour réussir leur avenir. En réalité, la polygamie, c’est pour combler un vide ».
Mme Mariko Korotoumou Théra, coordinatrice et régisseur du Programme d’appui au développement économique et social de la culture :
« On n’oblige aucun homme à signer la monogamie. La question de régime au Mali est très compliquée. Je pense que cela fait l’objet de pressions intitules sur les hommes plus que sur les femmes. Lorsqu’un homme signe un régime monogamique avec sa femme, cette femme subit chaque jour que Dieu fait une agression morale, physique et psychologique dans la famille de son mari. Oui, elle devient gonflée parce qu’elle sait que son mari est monogame et qu’il ne va pas se remarier. Comme s’il n’est pas normal de vivre en harmonie avec son mari ou sa femme sans qu’on vous impose la présence d’autrui. Chez ceux qui se marient sous le régime de la polygamie, il y a également une pression terrible sur les femmes. « Ah oui, continue, je vais me remarier. Continue, on va dire à notre parent de prendre une seconde épouse ». Cependant, que ce soit la monogamie ou la polygamie, les femmes font l’objet de beaucoup de pressions. Alors qu’on ne peut pas vivre dans ces conditions et avoir la possibilité de se mouvoir et de vivre heureuse. Je pense que c’est un problème. Si on pouvait trouver une solution ou par exemple un aliéna plus percutant sur la question dans le Code des personnes et de la famille, ce serait bien. Sinon, on nous fatigue avec cette question de monogamie et de polygamie. Je pense que c’est un droit pour tout être humain de pouvoir vivre sa vie à sa façon, sans être tout le temps contrainte à des pressions. Tout cela réduit les femmes. Il est temps que les choses changent dans notre pays. Les gens pensent que la polygamie est une exigence de la religion musulmane, alors que cela n’a absolument rien à y voir. La religion musulmane n’oblige aucun homme à marier plusieurs femmes, seulement elle exige que chaque femme constitue un ménage. Un homme n’a pas le droit de mettre deux femmes ensemble pour qu’elles passent leur vie à se battre et à s’auto détruire. Ce n’est pas la peine».
Madou Koné, entrepreneur : « Je sollicite la polygamie parce que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Cela permettra à beaucoup de femmes de se faire une idée de la vie de foyer, autrement dit le bonheur d’être une femme mariée. Ce n’est pas méchant ; les femmes doivent savoir supporter cela».
Mme Diakité Kady Sacko, ménagère :
« Moi je ne suis pas contre la polygamie. Actuellement, je suis seule avec mes deux garçons ; je sais que tôt ou tard, mon mari va prendre une deuxième car il me le dit tout le temps. Les femmes doivent comprendre que l’homme ne peut pas se limiter à une seule femme. S’il n’épouse pas deux femmes, voire trois ou quatre, c’est qu’il a beaucoup de copines au dehors. Souvent, même avec quatre femmes, certains hommes ont des maîtresses dehors».
Birama Konaté, anthropologue :
« A mon humble avis, la question de régime, que ce soit la monogamie ou la polygamie, est une question de mentalité. Je crois que leur conception n’est pas comprise dans notre société. Cela dépend de l’éducation et du comportement de tout un chacun. Je suis pour la polygamie pour beaucoup de raisons. D’abord parce que je suis musulman, ma religion me le permet, mais ne m’oblige pas. Ensuite, c’est pour donner l’opportunité aux autres femmes de se retrouver dans un foyer, parce qu’une femme sans soutien est très généralement exposée au libertinage sexuel ou à la prostitution. C’est aussi une manière d’assoir mon autorité dans ma famille, puisque quand une femme sait que son mari a la possibilité de prendre une seconde femme, elle se comporte correctement dans son foyer. Bref, j’opte pour la polygamie pour être en sécurité. Mais cela ne veut pas dire que je veux obligatoirement prendre une deuxième femme ».
Salimata FOFANA
Source : Le Combat via Maliweb.net